Des supporters verts de rouge

Quel étrange paradoxe que celui d’une finale de coupe pour des supporters. Tiraillés entre la joie de vivre une qualification historique et la déception de ne pouvoir y assister.

Bien avant que le premier coup de sifflet résonne dans le stade et que le cuir du ballon soit embrassé par de fébriles crampons dans le rond central, la frustration est déjà présente dans le rang des supporters.

La raison simple et inhérente à toutes les finales réside dans son seul facteur limitant : le nombre de places disponibles dans l’arène du stade. Et face à l’obscurantisme régnant dans l’attribution des billets, aucun fan ne semble jouir des mêmes chances d’obtention du droit d’entrée.

Pour la Coupe de la Ligue, 80 000 postérieurs prendront place au stade de France à Saint-Denis. Au lendemain de la qualification pour l’ultime rencontre de la compétition, dès que les premières doses de caféine matinales chassaient les vapeurs d’alcool persistantes d’un lendemain de célébration, les précieux tickets faisaient l’objet de toutes les convoitises.

Lorsque les capacités mentales étaient complètement rétablies, chacun y allait de ses calculs et de sa situation.

80 000 sièges. 40 000 pour les finalistes. Ça en fait donc 20 hips mille pour les Rennais !

Les abonnés, les vrais de vrais, ceux qui sont de toutes les rencontres, de tous les voyages, par temps de pluie, de gel de victoires, ceux qui donnent de la voix à chaque journée de championnat auront la priorité dans la distribution des sésames.

Légitime. Prioriser ceux qui donnent régulièrement de leur personne est dans l’ordre des choses. Personne n’oserait contester ce choix.

Les accrocs ont fait la queue au stade. Très tôt. Parce qu’à raison de 9 000 abonnés pouvant réserver jusqu’à deux places, les derniers arrivés n’avaient pas la certitude d’être servis.

Bilan : 8 200 billets vendus aux courageux ayant fait la queue le samedi 16 février, jour de grande affluence aux guichets. Ouf. Les régionaux non-abonnés peuvent espérer grappiller les places restantes.

C’était sans compter sur un calcul-surprise : 20 000 – 8 000 = 1 500 selon le Stade rennais. Élémentaire mon cher supporter en herbe, il manquait plusieurs données dans l’équation : celle des salariés du club, des membres de la section amateurs et la Ligue de Bretagne obtenant également des places sur ce quota.

Les rouges et noirs de cœur étaient verts.

Une semaine plus tard, rebelote : l’imposant stade de la route de Lorient observait de nouveau ce curieux manège : ces campeurs d’un soir, ces trappeurs urbains, ces motivés alcoolisés, ces supporters au grand cœur alignés sur le trottoir prêts à affronter un nouveau blizzard pour obtenir la permission de faire parti du voyage vers la capitale.

Quant aux autres. Les expatriés, les lointains, les malchanceux des deux premiers tours pourront se consoler : il reste potentiellement 40 000 billets à prendre.

C’était sans compter sur un nouveau calcul surprise. Cette fois-ci opéré par la LFP : seulement 5 734 places sur les 40 000 restantes seront ouvertes au grand public. Quelle frustration. Deux piliers historiques du football français s’affrontent dans une finale inédite. Deux peuples, les Verts et les Rouges, assoiffés de titres. Des décennies de disette au compteur. De quoi créer une émulation dont l’aboutissement ne sera pas à la hauteur des attentes. Cette distribution tyrannique des places contraste avec le levier populaire qu’elle engendre. La tristesse des supporters face à cette situation n’aura d’égale que la souffrance de la défaite.

Une pratique malheureusement habituelle que certains supporters écœurés ont découvert cette année.

Rouges de colère.

Et après ? La ruée sur les sites de réservation a permis à quelques chanceux, dont je fais partie, d’obtenir l’accès à un inconfortable siège en plastique. La suite est tristement connue : recours au marché noir ou constitution d’un plan B pour assister au match. Sur une place publique, dans le canapé d’un pote… Les fans n’ont pas tous été récompensés. Il en est ainsi de l’accession à une finale.

Pour ma part, vivant à Paris, je ne vais que rarement route de Lorient. De ma région, je suis tous les week-ends les matchs du stade pendant que certains, emplis du même amour rouge et noir donnent de la voix au stade.

Avec la sortie annuelle au Parc des Prince, les finales de coupes représentent une bénédiction pour mon insolente situation géographique.

Alors je pense à toi.

A toi, devant les commentaires graveleux de France TV.

A toi, loin de l’hexagone, l’œil scotché à un streaming saccadé.

A toi, bousculé, cannette à la main, mousse collée à la moustache et au pantalon place de la mairie rennaise.

A toi, écoutant les encouragements plein d’entrain de Cédric Guillou sur les ondes radiophoniques régionales.

A toi, dînant chez belle maman, lorgnant toutes les 2 minutes sur ton téléphone dissimulé sous la table.

A toi, qui comble de malchance travaille ce soir là.

A toi, qui a qui a juré que tu ne suivrais pas ce match – parce qu’avec Rennes c’est toujours pareil et que l’issue est connue d’avance – qui succombera à la tentation viscérale d’espérer une victoire historique pour ton équipe de cœur.

Sache que je suis conscient de la chance qui m’est donnée d’assister à cet événement, et c’est aussi pour toi que je donnerai de la voix dans le stade.

Par Fabiniou

3 réflexions sur « Des supporters verts de rouge »

  1. Joliment décrit!

    Tous derrière rennes samedi soir!

    On va faire du bruit!

  2. Que personne n’oublie que le district de football d’Ille et Vilaine n’a reçu que 400 places à se partager entre tous les clubs = proprement scandaleux ! voici une nouvelle démonstration de la fracture entre monde amateur et monde professionnel dans le football. Pour ma part j’ai surtout une pensée pour tous les bénévoles qui donnent de leur temps dans leurs petits clubs et qui ne sont pas récompensés.

    roddick

  3. Et oui, comme d’habitude c’est toujours la même chose. pour assister à un Rennes Nancy en plein hiver par -2 degrés, pas de problème. Par contre pour le PSG, ben non, c’est pas pour toi. Pour y être allé, ce fut épique avec nombre de pépettes arrivant 20 minutes après le début du match pour passer 1h sur leurs Smartphones. Et que dire de la finale et de l’attribution des places : hier, un ami non footeux me propose une place gratuite en catégorie 2 qui lui a été proposée et aujourd’hui un autre ami me propose une place au stade avec TGV qui lui a également été proposée… C’est forcément injuste mais aujourd’hui si tu n’as pas ton réseau et bien t’es comme un con ! En ce qui me concerne j’ai préféré garder ma place en catégorie 4 avec trajet en bus 😉

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