Les yeux dans les Rouge et Noir, épisode 4

Le Président, il est impressionnant. Pas besoin de beaucoup de mots, son regard te pétrifie. C’est pas le même genre que celui de Montpellier. A côté de lui, ceux de Bordeaux et de Lyon, c’est des fanfarons.

C’est la 3e fois qu’il occupe le poste. La première fois il avait arrêté parce que son entreprise lui prenait trop de temps. C’était le leader de la fabrication de galette des rois surgelées. Autant dire qu’avec nous il n’a pas eu souvent la fève.

A l’époque il piquait des coups de sang quand on était pas bon. Tous les 15 jours quoi ! Parfois c’était après les arbitres. Un jour à Auxerre, il a défoncé la porte de leur vestiaire. Bon faut dire que c’était des portes que Guy Roux avait récupérées lors de la démolition de l’ancien Parc des Princes en 1967. Il a pourtant envoyé une facture d’une porte toute neuve de chez Tryba qu’il a eu au rabais en plus, parce qu’il connaissait bien Bigard qui jouait dans leur pub.

Quand il rentrait dans le vestiaire après un match pourri, il se mettait dans des colères mémorables. Depuis il y a des anciens joueurs qui sont encore en analyse. Mais maintenant il a changé, il est plus zen. N’empêche que quand il arrive et qu’on a été mauvais, personne ne moufte même Sylvain notre doyen. Tout le monde regarde ses chaussures. Sous peine de se retrouver au Qatar ou en Chine à la trêve.

En plus il connait bien le foot. Il parait qu’il a marqué un but en 2e division avec la Rochelle dans les années 70. A mon avis il a bidonné son CV. C’est au rugby qu’ils jouent là-bas. Et pourquoi pas Ancenis ou Vannes en Ligue 2 ?

Pour les journalistes c’est souvent compliqué aussi. Deux fois par an il est invité à Pleine Lucarne, l’émission télé dédiée au Stade Rennais. Avec lui pas de round d’observation, c’est uppercut d’entrée, direct dans ta gueule, une autre question ? Ah ben là ça calme tout le monde. De toutes façons ils viennent avec leurs questions et lui avec ses réponses, comme Georges Marchais du temps de sa splendeur. Et puis s’ils veulent continuer à béqueter peinards des p’tits fours après les matchs dans les salons du stade, ils n’ont pas intérêt à être trop vindicatifs. Y en a qu’ont essayé, ils ont eu des problèmes.

Ah les salons ! C’est le passage obligé de ceux qui veulent être en vue. C’est là que se retrouve le gratin des gradins, la Nomenklatura (ça c’est un mot que j’ai appris avec Gelson, l’intello du groupe) rennaise. Nous aussi on y monte après les matchs. Surtout ceux qu’on gagne, on est pas fous non plus. Sinon après un nul ou une défaite, t’as toujours un endimanché bedonnant qui vient t’expliquer qu’on aurait pas dû s’y prendre comme ça. Il fait le mariole devant sa femme et ses clients pendant que son fils entreprend un selfie avec toi sans même te le demander.

Il faut reconnaître qu’avec le nouveau président on est plus respectés par les autres clubs. C’est un type qui a du poids et qui en impose. On sent qu’il a le club dans les tripes et que c’est pas une danseuse pour lui, comme ça l’est pour certains. Depuis qu’il est là, il a mis des hommes de confiance aux postes clé et a remercié sans ménagements les anciens titulaires. Ça a coûté un peu de sous, mais finalement pas plus qu’un milieu de terrain défensif laborieux et vaillant dont le championnat regorge.
En plus il a beaucoup d’ambition pour nous. P’tète un peu trop ?

Celui qui était le patron avant avait un autre genre. Un homme sympa et bien élevé avec un nom à jouer dans un film de cape et d’épée et à présider à un club de polo. Un pote à Stéphane Bern quoi ! C’était le cousin du premier ministre de l’époque. Malheureusement il avait la santé fragile. A cause de ses problèmes de cœur il fallait une ambulance et 4 infirmiers à proximité lors des matchs auxquels il assistait. Comme Louis de Funès pour ses derniers films. Pauvre vieux quand je repense aux finales qu’on lui a fait subir au Stade de France. A suivre…

Par Etienne Lido

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