« Enfin ! On est arrivé à joindre l’utile à l’agréable, l’art et la manière ». Je fais, bien sûr, référence à cette très belle victoire du Stade Rennais FC, 2 à 0, contre le RC Lens, certes 19ème, en ce dernier week-end de février 2011.
Retenez bien cette date car c’est peut-être un tournant, non pas pour stigmatiser les marches trop souvent ratées d’un club qui cherche à franchir un palier, mais pour souligner un état d’esprit si longtemps espéré : tueur au moment crucial.
Cette 25ème journée a été une révélation pour beaucoup. En premier lieu, les joueurs qui, de la première à la dernière minute, ont maitrisé leur sujet collectif. Les Rouge et noir ont, dans un premier temps, plié sans rompre sous les assauts et le pressing collectif des Sang et or, démontrant au passage leur solidité défensive, leur solidarité et un zeste d’expertise dans « la sortie de balle sous pression adverse ». Puis l’initiative individuelle à la 14ème minute de Razak Boukari – qui a transfiguré l’animation offensive depuis le mercato d’hiver – dont le missile en pleine lucarne est le symbole d’une confiance et d’une euphorie retrouvées. Les hommes de Frédéric Antonetti ont ensuite démontré une progression de jeu dans des domaines jusqu’alors peu explorés, confirmant par la suite une variation et une maturité dans ces séquences de jeu : relances longues de Douchez – évitant le pressing du premier rideau Lensois – pour jouer les deuxièmes ballons de façon très dynamique vers l’avant, constructions hautes et en mouvement bien huilé des phases finales, alternance jeu court-jeu long, jeu sans ballon, attaques placées utilisant toute la largeur du terrain, attaques rapides fulgurantes et contrôlées, en tempo individuel, en timing commun, en fluidité et en choix multiples, s’il vous plait.
Le jeu du « stade » fut, enfin, digne d’un leader du championnat. Je prends pour preuve le deuxième but Rennais. Ce contre amorcé par Jérôme Leroy transcendé par la volonté de porter l’estocade – accompagné par 3 ou 4 équipiers dans cette action – qui servit – au millimètre près, dans un dosage savant, hors de porté de Runje et surtout dans « l’espace qui élimine » – le superbe appel de balle de Montano, en rupture et en oblique dans le dos du dernier défenseur Lensois. Ce fut un modèle du genre, un double effet Kiss cool, du caviar à la louche, une offrande pour un attaquant qui, jusqu’alors et après avoir gâché, était en proie au doute. A cet instant, Rennes prend les rênes, par Leroy, de son destin sportif et s’envole « au firmament du championnat de France de L1 » (sic France Bleu Armorique et votre serviteur).
L’art et la manière enfin réunis dans une allégresse rarement vue au Stade de la route de Lorient. D’autres acteurs pouvaient également jubiler en secret, ceux qui au quotidien ont rendu cette pelouse, bourbier hier, moquette aujourd’hui. Des décideurs critiqués aux « petites mains » bosseuses, tous ont grandement contribué à la réussite de ce soir car, sans billard, point de fluidité, point de jeu à 2 à 3 sans déchets, point de centre du gauche de Théophile-Catherine (qui s’est même pris pour Cristiano Ronaldo en le plagiant). C’est vous dire dans quel état de grâce et de transfiguration se trouvaient les joueurs du Stade en cette soirée festive. Un vrai régal, du grand art !
Ici l’art est la manière de se donner les moyens de bien jouer pour engendrer très souvent les meilleurs résultats, en constance et en excellence mais aussi en plaisir communicatif. Pour décrocher la lune – dans un football qui n’est point « fiction » comme aime souvent se gausser Frédéric Antonetti devant un parterre de journalistes hilares mais teinté d’une vision prospective ambitieuse – il faut souvent placer la barre haute pour générer l’état de grâce et optimiser les potentiels humains et footballistiques d’un club en manque de repères.
L’art est la manière de faire rêver tous ceux qui ne se sont pas résignés à voir un jour un titre récompenser le club de notre cœur mais aussi des supporters qui payent pour croire à une belle histoire.
Jean-Marc Mézenge
Jean-Marc Mézenge est l’ancien adjoint de Raymond Kéruzoré et consultant sur France bleu Armorique.
Article intelligent et d’une grande clairvoyance comme d’habitude !!! Merci Monsieur Mézenge.
Bien écrit et vrai.