Bonjour à tous,
Certains me connaissent peut-être, d’autres pas. Je vais donc me présenter brièvement pour les derniers mohicans. Ne m’applaudissez pas déjà, je n’ai même pas commencé à retracer mon parcours. Pour aller droit au but (la devise « sardinesque » par excellence), je suis un Guingampais expatrié depuis plusieurs années dans la « Capitale » (ne sortez pas le fouet, s’il vous plaît) administrative de la Bretagne. J’ai d’ailleurs toujours voulu y habiter, et ce fut chose faite à la mi-2006. Pour beaucoup de Costarmoricains, la jolie ville de Rennes se présente souvent comme un Eldorado (à ne pas confondre avec… Eduardo). Parce que le travail y est plus abondant que dans le 22, et que l’accès à la culture y est plus facile. Mais mon emménagement a surtout une autre raison, au motif bien plus futile celui-là. Je suis en effet passionné par le Stade rennais depuis ma plus tendre enfance. J’entends déjà les quolibets de certains lecteurs. Quoi ? Comment est-ce possible ? Comment un Guingampais pur beurre a-t-il pu devenir supporter invétéré (et peut-être bientôt invertébré, du fait de l’absence de titre majeur depuis 1971) du glorieux voisin stadiste ? Et bien, figurez-vous que c’est très simple. À l’époque où mon cher papa (natif de la cambrousse guingampaise, bien sûr) était en âge de s’intéresser au football, seuls le SRFC et le FC Nantes évoluaient en 1ère division. Le jeune EAG n’avait pas encore débuté sa belle et folle ascension vers les sommets nationaux. De ce fait, le choix footballistique du « pater » a été plutôt évident. Il est vite devenu éperdu du club « phare » de la Bretagne. Suffisamment pour effectuer des trajets réguliers entre Guingamp et Rennes, afin d’encourager les joueurs stadistes et notamment le fantasque Silvester Takač. Avec son ami d’enfance pédernecois, ils ont d’ailleurs vibré comme jamais, accroupis ce jour-là près de la ligne diagonale, lors de la demi-finale historique entre le SRFC et le grand OM de Josip Skoblar. Du coup, il m’a souvent narré cette page légendaire du vieux club breton. Ce fait de gloire de l’histoire stadiste reste le plus beau souvenir de Rodi’s Father. C’est donc tout naturellement que j’ai attrapé le virus « rouge et noir » à mon tour.
Il était une fois dans l’Ouest : Gwengamp – Roazhon
Bon, je dois avouer que ma présentation était peut-être un peu longue. Ceci dit, je prends surtout la plume pour vous raconter les différents souvenirs des derbies que j’ai pu engranger (quoi de plus naturel pour un Costarmoricain) depuis mon premier Guingamp – Rennes. Allez, « c’est parti, mon kiki ». Excité comme une puce, je vivais donc mon premier derby « live » le 10 février 1990. Ce soir-là, le Stade rennais se déplaçait pour la première fois dans le tout nouveau stade du Roudourou et ce, avec la pancarte tenace de bête noire officielle du club costarmoricain. Accompagné de mon père (ce héros), je fantasmais à l’idée de voir enfin les joueurs rennais fouler la pelouse guingampaise. Sous une pluie battante, c’est mon idole de jeunesse, alias Erik van Den Boogaard, qui inscrivait le seul but de la partie. Je me souviens très bien de ce match malgré mon jeune âge à l’époque. Et je me rappelle surtout entendre mon père encourager les joueurs du SRFC en première mi-temps, avant de supporter les autres « rouge et noir » quarante-cinq minutes plus tard. Devant la pauvreté du jeu rennais, mon « pater » avait en quelque sorte retourné sa veste (à la manière d’un Jacques Dutronc). Finalement, il venait d’inventer le terme « footix », quelques années avant sa propagation post-1998 (rires). Je plaisante, bien entendu. En fait, il souffrait du même cruel dilemme que moi. Nous aimions les deux clubs, les deux villes, et ça nous jouait souvent des tours. Mais comment se positionner clairement devant un choix aussi cornélien ? Si quelqu’un a la recette magique, qu’il n’hésite pas à me la transmettre. Bref, je m’égare. Je revoyais ces équipes deux années plus tard, toujours en D2. Et là, Guingamp et Rennes se neutralisaient. Je me rappelle encore du but costarmoricain, marqué de la tête par Lionel Rouxel. Un peu moins de l’égalisation rennaise de Majid Musisi, attaquant ougandais qui rejoignait malheureusement les cieux en décembre 2005. Est ensuite venu le temps de la sacro-sainte D1, à partir de 1996 !
Les paysans contre les citadins
Le premier Guingamp-Rennes estampillé D1 se tenait en effet le 20 avril 1996, dans un Roudourou garni, pour l’occasion, comme une galette complète. Cette saison-là, Guingamp réussissait brillamment son baptême du feu en D1 et recevait l’ogre rennais, pour une belle kermesse en rouge et noir. Les tickets s’étaient d’ailleurs vendus comme des petits pains, si bien que le record d’affluence s’apprêtait à être battu. Je faisais bien entendu partie des 15.949 privilégiés, puisque placé comme souvent en tribune « populaire », à l’époque de la mythique butte en terre guingampaise. Plus que le match lui-même, ce sont surtout les banderoles déployées par les supporters du RCK qui restent encore gravées dans ma mémoire d’Elephant man. « Guingamp, Rippoz en paix » (faisant référence au principal sponsor de l’EAG), « 2000 paysans sous des bâches agricoles », ou bien encore « Bonjour les ploucs ! » avaient réussi à me faire sourire. Le décor était planté, la suprématie régionale était en jeu. Côté terrain, les Guingampais étaient meilleurs me semble-t-il, mais ils avaient dû se résigner à partager les points, tombant sur un Tony Heurtebis en état de « Grâces » (petite commune située à l’enclave de Guingamp). L’éternel complexe costarmoricain face au grand voisin était encore d’actualité. Mais plus pour très longtemps. L’année suivante, Guingamp brisait enfin le signe indien grâce à une tête magistrale du géant Polonais, Marek Jozwiak. À partir de ce moment-là, il n’était donc plus nécessaire d’invoquer la malédiction de la Saint-Loup, le Saint-Patron fêté comme il se doit chaque mois d’Août dans la « Capitale » de l’Argoat. Dans les tribunes, l’ambiance était particulièrement tendue. Supporters guingampais et rennais s’invectivaient dès qu’ils le pouvaient. Mais sur le rectangle vert, ce sont bien les footballeurs des champs qui battaient ceux de la ville. Effectivement, Guingamp labourait le Stade rennais pour la première fois en D1. Mais voilà, cette rencontre n’avait sûrement pas atteint des sommets niveau football. Sous la pluie, Guingamp-le-Besogneux réussissait pourtant à mettre à terre le grand club de Haute-Bretagne. Chose qui n’était plus arrivée depuis la saison 1988-1989 ! Par contre, j’avoue avoir plus ou moins zappé la nouvelle victoire de Guingamp en novembre 1997 (1-0). Tout juste si je me souviens de ce but de Rouxel, à la suite d’un cafouillage dans la surface de réparation stadiste. Bref, cette seconde victoire consécutive de l’EAG face à son éternel complice mais rival n’a pas laissé une trace indélébile dans ma mémoire. La fin de saison condamnait finalement Guingamp aux dépens du … SRFC. Le Stade rennais nouveau n’allait alors plus tarder à voir le jour, grâce à l’entrée en scène de son mécène natif … des Côtes d’Armor.
Durant mes années collège, j’étais considéré par mes potes comme un « traître ». J’étais le Guingampais qui supportait le Stade rennais contre vents et marées. Pire, j’avais même gravé, en guise de provocation, les initiales du « RCK » sur ma trousse d’école. Il faut dire que j’aimais cultiver cette particularité. Je n’ai jamais voulu me fondre dans un moule. Faire comme « Monsieur tout le monde » ne m’intéressait pas. Ceci étant dit, je supportais également Guingamp (en plus du SRFC, bien entendu) tout au long de la saison. Habitant tout près du Roudourou, j’allais d’ailleurs tous les samedis à pied (ou en vélo) voir les paysans défrayer la chronique. Mais quand c’était au tour du SRFC de pointer son nez, j’avais une fâcheuse tendance à me ranger du côté de l’ennemi juré, pour le plus grand désarroi de mes copains costarmoricains. Mon heure de gloire allait donc arriver le 17 mars 2001. Posé comme souvent en tribune Est avec mon père, je célébrais six buts rennais en 90 minutes, sous le regard médusé des supporters locaux. Rennes explosait l’En Avant de Guingamp 6-1, alors que le club bretillien n’avait pas marqué le moindre but en D1 au Roudourou avant cette rencontre. La soirée était d’ailleurs loin d’être terminée, et s’éternisait jusqu’à tard dans la nuit. Place au fest-noz… ! Après avoir déambulé au « Lapin Rouge » (un bar proche du stade), puis au célèbre « Campbell’s » (LE pub de Gwengamp), je terminais ma soirée au « California » (le Calif’ pour les intimes), une boîte de nuit à mi-chemin entre Guingamp et Saint-Brieuc. Une si belle victoire méritait bien une magnifique fiesta, n’est-ce-pas ? Après cet épisode rocambolesque, et sûrement encore mal remis de ce fantastique succès de prestige, j’ai plus ou moins oublié la confrontation suivante en février 2002. Ce soir-là, Christophe Le Roux, alors Rennais, avait répondu à Cédric Bardon, futur Guingampais. Pas d’anecdotes à vous raconter malheureusement. Il faut croire que ce match ne m’avait pas spécialement captivé (rires).
Un cœur rouge et noir, quoiqu’il arrive
Les saisons se suivent mais ne se ressemblent pas forcément. Deux années plus tard (exercice 2002-2003), c’était bien Guingamp qui laminait le SRFC 3-0, dans un stade en folie. Je me souviens avoir vu la recrue bulgare Ivanov, perdue sur le terrain, traînant son malheur comme une âme en peine. Le match tournait à la démonstration locale, Christophe le Roux achevant le vieux club breton d’un lob aussi astucieux que chambreur. La coupe était pleine. Cette fois-ci, je me faisais tout petit dans ma tribune Est. Une fois le match terminé, le chant lancinant mais de circonstance : « On n’entend plus chanter le Stade rennais » ne me quittait plus jusqu’au petit matin. Pendant que Rennes mangeait son pain noir, Guingamp était sur l’autel de la D1. L’exploit permanent prenait alors tout son sens. En feuilletant le classement dans le journal, on y trouvait le nom d’une petite bourgade des Côtes d’Armor trustant la 1ère place, devant les PSG, Monaco, Bordeaux ou Lyon. Incroyable, mais pourtant tellement vrai. La saison 2002-2003 de l’En Avant de Guingamp demeure d’ailleurs la plus belle du club à ce jour. Le duo Malouda/Drogba faisait sensation tout au long du championnat, défiant sans fioriture la logique économique de ce football que l’on aime tant. Expatrié à l’étranger à partir de août 2003 (pour raisons professionnelles), j’étais ensuite contraint d’entamer un léger break de trois ans avec le football. Entre temps, l’année 2004 sonnait comme un chant du cygne pour les Guingampais. Battus 2-0 par un efficace Stade rennais, les « paysans » retrouvaient le purgatoire de la Ligue 2, au grand dam de ses fidèles supporters. Quand bien même, mon rêve ultime se réalisait finalement cinq longues années plus tard. En effet, une historique finale EAG-SRFC se disputait sous mes yeux quasi-larmoyants (je m’excuse auprès des supporters stadistes de leur rappeler encore une fois ce moment si cruel), et remplis d’émotions indescriptibles. Tout petit, je l’avais imaginée, sans jamais vraiment y croire. Et pourtant, le 9 mai 2009 accouchait finalement sur un traumatisme rennais sans précédent, et sur le nirvana guingampais. Alors que mon cœur se tiraillait toujours entre deux sentiments. Déception et bonheur, tels étaient les maître-mots de ma soirée d’anthologie. « Bizarre, vous avez dit Bizarre… ! ». Une revanche se jouait peu après en septembre 2010 au Roudourou. Positionné pour une fois en tribune présidentielle, je me levais comme un seul homme lors de l’ouverture du score de Jirès Kembo. Bien mal m’en a pris, puisque je me faisais alors invectiver par un supporter de l’EAG, beuglant en ma direction un simple mais efficace (enfin, le croyait-il tout du moins) : « Tu n’es pas chez toi ici ! » Heu…, comment lui dire… Mais bon, ça faisait bien évidemment partie du folklore. Et puis, je dois également préciser que j’ai toujours attiré les ennuis, voire attisé la foudre des chauvins (à défaut d’attirer Ingrid dans mon lit). Ce soir-là, Guingampais et Rennais se défiaient par banderoles interposées. Vous vous doutez bien évidemment du fil conducteur… ! Au final, Guingamp dominait encore le Stade rennais 3-1. Pour la revanche, on repassera donc. Les deux camps ne sont, de ce fait, sûrement pas prêts d’enterrer la « vache » de guerre.
Pour conclure, j’ai sans doute divagué trop longuement (hommage à tous ceux qui auront réussi à lire jusqu’au bout… Chapeau Breton), mais je vous le clame haut et fort : il est possible d’aimer et de supporter deux clubs. J’en suis la preuve vivante. J’ai d’ailleurs vécu des grands moments d’émotion, que ce soit au Roudourou ou au stade de la route de Lorient. Pour le derby qui arrive, je souhaite simplement que le meilleur gagne (en v’là un beau poncif). Le tout dans une bonne ambiance, et avec de la « chambre » raisonnée et raisonnable. Et puis, si vous êtes sympathiques, peut-être que je vous avouerai plus tard de quel côté j’ai tourné ma veste cette fois 😉
Le paysan est de retour.
Rodi-
@Rodighiero_
super article merci
Bravo pour l’écriture, c’est très bien fait, plaisant à lire.
Puisse tous les supporteurs soutenir leur équipe respective, sans haine ni injures
Très joli témoignage.
Merci.
L’espoir fait vivre, la déception tue…
Bon match mon vieux Rodi ! 🙂
Etrange similitude que nos parcours… une enfance guingampaise, un père fan du Stade Rennais, 🙂
Bravo ! Ca nous change des inepties de Mézenge !
Bravo Rodi ! J’ai la même chose avec le barça, mais bizarrement les 2 clubs n’ont jamais eu à s’affronter ! 🙂
Trèe beau texte et bien écrit avec cela !
Peut-être qu’un quatrième 0 à 0 te conviendrait à l’instar du récent Ploudaniel(ma commune)-Grâces(auquel tu fais allusion;
Bon derby en rouge et noir !
Bel article Rodi, ça me redonne envie de venir au Roudourou, malheureusement, mes finances ne me le permettent. 1er Guingamp – Rennes raté depuis le début de ce siècle pour moi. Mais bon, je vibrerais devant Bein Sport pour nos rennais!!!
Excellent !
J’ai moi même une tripotée de potes guingampais…
J’ai aussi pas mal de connaissances nantaises…
J’aimerais bien pouvoir faire le beau lundi prochain…
Mais je suis que moyennement optimiste…
Allez les rouges et noirs…enfin ceux qui connaissent la galette saucisse…
Bien joué nico. Rare sont les reportages de vrais supporter de football comme toi qui sache écrire un message lisible, ordonné. Un texte ayant du sens et compréhensible. La bible du football BZH……. vivement le prochain
Merci le journaliste et à samedi pour le derby j’espère.
je connais ton dilemme rodi. moi même j’ai eu le cœur coupé en deux lors d’un tour de coupe de France entre mon véloce vannetais et mon stade rennais. j’ai encourager le véloce pendant le match, mais j’ai été soulager par la qualif des rouges et noir.
très bon texte. je me souvien des « takatac » que les anciens lâchaient lors des attaques Rennaise dans ma jeunesse. Tout une époque.
Bel article!
Ton historique avec le Stade est tres similaire au miens… C est tres etrange :-)!!!
Mes premiers match avec mon hero VDB, puis Marco ect…
Supporter du Stade et originaire du 22. Les aller/retour avec mon pere et ses histoire du fameux Rennes Marseille et la finale de 71 qu il a ete voir aussi..(En 95/96 je crois on a du faite 15 match a domicile, on a du se calmer par la suite on explosait le budget familial…)!!!! Et la collection des pins avec le logo rennais et celui de leur adversaires…
Toi tu dois etre ne entre 78 et 82 non ???:-)
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Pourquoi les guinguampais veulent venir à Rennes sans soutenir le SRFC?