« Le beau jeu ne paie plus ! » … Cet adage qui a souvent été entendu sur tous les terrains de France et de Navarre a traversé le temps, mais aussi, forcément, l’esprit des hommes qui ont la charge de faire évoluer le jeu de football. Quel que soit le niveau, on a toujours voulu opposer efficacité et esthétisme. Depuis toujours, deux écoles se sont distinguées pour symboliser ces deux extrêmes : le catenaccio des années 70 d’Heleno Herrera pour la « négation du jeu » et la « dream tean – années 90 » du Barca de Johann Cruyff pour « l’affirmation du JE ».
Aujourd’hui, par la présence du LOSC et du Stade Rennais FC sur le plan National, le nivellement de notre championnat de L1 fait état de nouveaux ténors aux premières places du classement. Pour cette saison 2010-2011, l’un a le 5ème budget de L1* et l’autre le 8ème. A la trêve, l’un a la meilleure attaque et l’autre la meilleure défense. L’un est champion d’automne ou d’hiver, l’autre est le champion de la médiocrité dans le jeu jugé par les experts de Canal Plus un soir de match référent Bordeaux-Rennes (0-0) comptant pour la 17ème journée. Pour une fois, « le spectacle » n’a pas été « survendu » par une paire de commentateurs vociférant le déni proposé avec tant de qualificatifs négatifs que le jeu, les joueurs mais surtout l’image et le marketing du club Rouge et Noir vont sans doute avoir du mal à se démettre de ce boulet aux pieds. Jusqu’à la fin de l’ère Dréossi-Antonetti dont le destin commun est scellé aux résultats sportifs et financiers du club, il faudra compter sur cette marque au fer rouge pour redorer un blason terni un soir de grande diffusion télévisée. Quand bien même, Rennes a pris un point et est resté un pied sur le podium.
Mais revenons au jeu et à l’essence même de la chicane ! Peut-on bien jouer et gagner ? Mais qu’est ce que le beau jeu ?
Pour Christian Gourcuff, initié aux principes observés déjà dans la sensibilité des Saudeau, Kéruzoré, Denoueix ou Arrigo Sacci, l’Italien, le beau jeu n’existe pas , enfin, comme finalité intrinsèque. A Lorient, il est le moyen efficace d’aboutir à l’épanouissement collectif et individuel et, par voie de conséquence, à la pérennisation des résultats. C’est joliment dit mais aussi joliment fait. Le mérite du coach Lorientais est d’avoir su et pu, dans SON club au contour financier limité (14ème budget), imposer ses hommes, ses idées, son terrain synthétique, ses méthodes mais aussi, comme tous systèmes, ses limites. Le temps et son Président sont des alliés précieux pour mettre « le jeu » au centre de leurs priorités. En optimisant les moyens, pour l’instant, celui-ci leur assure un maintien bien mérité, plaisant et, de plus, révèle des talents qui valorisent un recrutement intelligent, opportun et très rentable.
A Rennes, c’est différent, on aimerait exceller sur tous les tableaux avec une réussite tant au niveau du discours du jeu, des résultats, de la gestion des effectifs, du business et de l’image pour atteindre les meilleurs clubs de l’hexagone. Echaudé par des folies financières d’antan, le club grandit avec les hommes qui le traversent et cisellent, sur et hors du terrain, les desseins du STADE de demain. Les attentes et les exigences sont plus grandes. Si beaucoup restent dubitatifs sur la qualité du jeu, force est de constater que les résultats, pour l’instant, sont en rapport avec les moyens financiers accordés par les patrons. Mais, malgré son classement, jamais le jeu des « rouges et noirs » n’a laissé les observateurs, experts ou supporters, aussi dubitatifs et souvent, à tort, perplexes. Depuis le départ de quatre de ses attaquants (Sow, Briand, Bangoura, Gyan,) et la blessure de Sylvain Marveaux, Frédéric Antonetti a compris que le potentiel offensif de son équipe, qui n’a pas été compensé pendant l’intersaison, viendrait affaiblir son animation offensive. Alors, comme un Jose Mourinho à l’Inter, club hanté par Helenio Herrera, il s’adapte et met en place un jeu basé sur la récupération du ballon (pressing haut à l’extérieur et mise sous pression basse à domicile), l’utilisation du contre, de l’explosion offensive et spécule sur la stratégie simple des coups de pied arrêtés. Sans renforts offensifs, « Fred le futé » a compris que, malgré l’image d’entraineur adepte du beau jeu Niçois, il devra compter à Rennes sur, mais surtout avec, « le gestionnaire de crise qu’est Pierre Dréossi », pour jouer, pour l’instant, à gagne-petit. Alors, Rennes est « bien en place » mais rechigne aux déséquilibres des lignes pour prendre des risques offensifs collectifs, joue plus souvent en 4-5-1 qu’en 4-3-3, adopte un marquage individuel dans la zone au milieu de terrain, gagne ses duels défensifs et offensifs, des fois, avec un impact athlétique dévastateur qui, comme contre Valenciennes, marque le but vainqueur sur corner à la 93ème minute par le « bionique Kana Biyick ». La preuve en image ! A défaut de « bien jouer », Rennes pratique souvent un football efficace et planifié par un coach qui a compris que son avenir, ici ou ailleurs, est seulement lié au classement et quelle que soit la manière. Par comparaison, le LOSC, lui, a les moyens et la volonté prendre tous les risques offensifs pour manquer un but de plus que ses adversaires. Son jeu est alors bonifié par un résultat souvent favorable et très spectaculaire. Il gagne en jouant bien !
Avec ce début d’année nouvelle, un renfort offensif, Razak Boukari, est arrivé pour booster une attaque peu inspirée. Rennes peut bien jouer pour essayer de gagner souvent et pas le contraire. Car « à terme et sur la durée », la chance et le jeu sourient toujours aux audacieux ! Gageons que ce souffle nouveau donne à Frédéric Antonetti, les points, les moyens, l’audace et l’envie de s’inspirer, un peu, du jeu du Barca.
En cette période de vœux, c’est tout le mal que je lui souhaite et qu’il torde le cou à cet adage !
Jean-Marc Mézenge
Jean-Marc Mézenge est l’ancien adjoint de Raymond Kéruzoré et consultant sur France bleu Armorique.
* Budgets des clubs de Ligue 1 : classement 2010/2011
Budget moyen par club cette saison : 54,45M€
club |
Budget prévisionnel |
1. Olympique Lyonnais | 150M€ |
2. Olympique de Marseille | 140M€ |
3. Girondins de Bordeaux | 80M€ |
3. Paris Saint-Germain | 80M€ |
5. Lille OSC | 55M€ |
5. AS Saint-Etienne | 55M€ |
7. AS Monaco | 53M€ |
8. Stade Rennais | 45M€ |
9. AJ Auxerre | 40M€ |
9. AS Nancy-Lorraine | 40M€ |
9. Racing Club Lens | 40M€ |
9. FC Sochaux | 40M€ |
9. Toulouse FC | 40M€ |
14. FC Lorient | 35M€ |
15. Montpellier Hérault | 33M€ |
16. Stade Malherbe Caen | 31M€ |
17. Valenciennes FC | 30M€ |
17. OGC Nice | 30M€ |
19. Stade Brestois | 23,5M€ |
20. Arles-Avignon | 18M€ |
Source : France Football, 3 août 2010 |
Très bonne analyse et très bon article! clap clap clap et re clap :o)