En période de grèves et de pénurie d’essence, les footballeurs, eux, ont – parait-il – la belle vie, épargnés par les soucis du quotidien.
Que l’on soit du bon ou du mauvais côté de la barrière, on ne touche pas au monde du foot. Vous avez observé ! Pas de stades fermés les vendredi, samedi ou dimanche soir venant perturber l’exercice de leur fonction ; pas de grèves sauvages pour éviter de galvauder les obligations de nos championnats ou de bafouer une éthique sportive bien souvent malmenée mais, bien sûr, « respectée par presque tous les acteurs et supporters » ; pas de pannes de gasoil du bus des joueurs ou d’opérations « escargot » des transports en commun sur le chemin des vestiaires le jour du match ; pas de files d’attente aux guichets pour causes de volets clos ; pas de piquets des services publics responsables de la logistique des terrains ou de la sécurité ; pas de journalistes en grève évoquant la pénibilité de leur job; pas question, ça va de soi, de contrarier le bon fonctionnement d’une journée de L1 ou de L2 qui verrait les parieurs en ligne ou autres téléspectateurs privilégiés, se détourner de toutes ces actions impopulaires ; enfin, pas d’envahissements, non plus, des pelouses par des jeunes un peu casseurs, pour condamner une erreur de jugement qui est devenue absurde : la retraite des footballeurs à la fleur de l’âge.
Alors cette réforme de la retraite du footeux est-elle en marche, imprégnée par une évolution culturelle ? Je parle bien évidemment de la retraite sportive et non celle de « fin de vie ». Non, hélas rien ne change ! Tout ce petit monde du football est là et bien là, chacun à sa place, campé sur des us et coutumes, pour le plus grand plaisir de tous ceux qui ont oublié que leurs héros seront bien avant eux … à la pêche ou sur la touche. « On veut du sang neuf et des recrues pour le prochain mercato, jeunes et plein d’avenir de préférence ». L’heure est grave, Mesdames, Messieurs, car Il faut convaincre les aficionados que l’heure est à la rigueur budgétaire et au contrôle de la masse salariale et que gérer sa carrière de sportif de haut niveau est « un sacré os » (lire sacerdoce) que même un vieux chien enragé ne devra lâcher. La réforme des retraites du footeux de 30 ans doit, elle aussi, s’imposer dans les mentalités et dans la vindicte populaire qui profère des contre-vérités et entretient le flou surtout en période de crise : « quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ou qu’il est trop vieux » dit le dicton adapté par mes soins.
Et même si, des tribunes descendent encore trop souvent des cris controversés de désamour ou d’admiration à l’égard d’un Jérôme Leroy ou d’un Claude Makélélé, la performance et le résultat du match sont des épées de Damoclès suspendues au-dessus de leurs têtes prêtes à être décapitées à chaque nouvelle déception des supporters. En invoquant leur droit à « un repos bien mérité » dès leurs 30 ans révolus ou à poursuivre le jeu malsain du « stop ou encore », la pression populaire précipite bien souvent mentalement le joueur dans un « recyclage corporatif » (voir Mickaël Pagis) ou dans des vacances de très longue durée prises par contrainte (ils sont trop nombreux). La voix du peuple est souveraine comme la politique de la rue semble faire plier la raison politique ou économique. A tort ou à raison, on infléchit le coup de grâce par de plates excuses, de crise par exemple, ou des entourloupes en tous genres. C’est classique et tellement banal dans cet univers impitoyable et qui donne à Dallas des allures de conte de fées.
Combien sont-ils dans les clubs à avoir été poussés vers la sortie, alors que la plupart n’ont pas connu encore la crise de la trentaine ? Combien d’entraineurs ont dû prendre « une retraite forcée et anticipée » après simplement une saison sportive d’exercice, pour cause de lynchage médiatique ou de savonnage de planche, qui vont les marquer au fer rouge pendant des années? Pas de deuxième chance et pas de rebond possible dans un milieu « qui aime bien, mais surtout, châtie bien ». Et là, pas une révolte, pas un soupir de désapprobation, pas un mouvement de chef et encore moins de foule, même pas un sentiment de reconnaissance, voire pire, de compassion. C’est dans l’air du temps, on trouve même un certain plaisir à voir de nouvelles têtes pour de nouvelles aventures.
Alors, oui je suis contre la retraite des footballeurs à 35 ans, s’ils sont encore compétitifs. Mais je suis aussi pour une réforme des mentalités « des âmes bien pensantes » qui poussent vers la sortie ceux qui ont encore beaucoup à donner à notre sport. L’heure de la retraite doit être personnelle, consentie et motivée par des raisons bien plus profondes qu’un pilonnage d’idées préconçues. Après tant d’années de sueur et de sang, enfin pour certains, rendre obsolète un épanouissement personnel et professionnel qui arrive à maturité sur la seule raison d’un âge certain est une insulte à une cohérence de rendement et d’expertise qui n’a pas de prix.
On est tous concernés par la retraite mais, dans le football, la spécificité joue souvent avec les paradoxes.
Imaginez un seul instant que les footballeurs professionnels, en fin de vie sportive, descendent dans la rue pour scander des slogans à la mode : « non, non, non… à la retraite à 37 ans pour ceux qui ont gagné de l’argent et pour les autres, ils devront bosser jusqu’à 67 ans ! » ou que des entraineurs de renom s’exclament en tête de cortège : « la pénibilité de coacher = retraite assurée, et dorée à tous âges!» eu égard aux indemnités de licenciement que certains, les mieux lotis, sont en droit d’exiger pendant toute leur carrière. Mais pour les autres ? Qu’ils crèvent ? On croit rêver !
Eh oui, les temps sont durs, pour tout le monde, pour ceux qui sont en place et pour ceux qui sont dans la place. Mais, comme dans la vie de tous les jours, ce sont toujours les plus nantis qui se plaignent le plus.
Vous le voyez, la retraite en football, quel que soit le bord, ce sera le plus tard possible et pour votre plus grand plaisir !
PS : toute ressemblance avec des faits réels n’est que pure réalité.
Jean-Marc Mézenge
* Jean-Marc Mézenge est l’ancien adjoint de Raymond Kéruzoré et consultant sur France bleu Armorique.
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